Irena Sendler (nom de son premier époux, son nom de jeune fille étant Krzyżanowska) est née à Varsovie en février 1910, morte dans cette même ville en mai 2008. Elle n'a pas obtenu de prix Nobel mais a été reconnue Juste parmi les nations pour avoir sauvé 2 500 enfants juifs du ghetto de Varsovie.
Fille unique, Irena est gâtée par son père médecin. Lorsqu'elle contracte la coqueluche, la petite famille déménage à Otwock ; Irena apprend vite le yiddish, car son père soigne gratuitement les pauvres et les juifs. Il contracte la tuberculose et en meurt en février 1917, une semaine avant l'anniversaire d'Irena.
Mère et fille se retrouvent ruinées mais refusent l'aide de la communauté juive, qui voulait leur rendre l'aide qu'ils avaient reçu du brave docteur. Irena poursuit malgré tout ses études, pratique le scoutisme puis entame en 1927 des études de droit à Varsovie, avant de se tourner vers des études plus littéraires puis des études sociales. Entretemps, elle s'est mariée avec Mietek Sendler. Témoin direct de la montée de l'antisémitisme à l'université, Irena manifeste régulièrement ; son mari Mietek est muté à Poznań mais Irena refuse de le suivre, elle obtient un premier poste dans les services sociaux.
Lorsque la guerre éclate en 1939, dans un premier temps, Irena et sa supérieure hiérarchique viennent en aide aux victimes des bombardements et aux milliers de réfugiés qui fuient le front ouest. Varsovie à peine occupée par les troupes allemandes, la résistance s'organise déjà ; comme tout le monde, Irena prend un nom d'emprunt. Elle assiste horrifiée à l'édition du ghetto, quartier spécial où les nazis décident de parquer les juifs des environs. En faisant jouer ses relations, Irena parvient à figurer sur la liste des rares personnes à pouvoir entrer et sortir de ce quartier fermé ; plus tard, grâce à l'aide d'un prêtre de Lvov qui lui passe des certificats de naissance vierges jusqu'à épuisement, elle sauve déjà quelques dizaines d'enfants. Par solidarité pour les juifs, Irena porte elle aussi une étoile de David sur ses vêtements ; entretemps, elle est entrée dans le mouvement Żegota.
Bravant les interdits, elle défie chaque jour les SS en faisant passer des enfants clandestinement hors du ghetto par divers moyens : dans des toiles de jute qu'elle dissimule dans sa voiture-avec à côté un chien qu'elle a dressé exprès pour qu'il aboie à chaque entrée et sortie, couvrant ainsi d'éventuels éternuements ou toux d'enfants-, dans un tramway, dans des ambulances... En parallèle, Irena dresse une liste avec le véritable nom des enfants et le nom d'emprunt qu'elle leur donne pour leur sortie clandestine, elle les cache ensuite dans des orphelinats ou des églises. Irena remplit des bouteilles au fur et à mesure avec les identités, qu'elle enterre ensuite au pied d'un pommier de Varsovie.
Les autorités allemandes finissent malheureusement par lui tomber dessus, elle est torturée : les SS lui briseront notamment les deux jambes, ce qui lui laissera des séquelles à vie. Mais elle ne trahira jamais son secret ; alors qu'elle est condamnée à mort, elle parvient à s'échapper après avoir soudoyé un gardien. Irena se traîne difficilement jusqu'à l'appartement de sa mère et y reste cachée quelques semaines ; elle obtient de faux papiers puis est amenée à changer de cachette, la Gestapo ayant réalisé une descente dans son immeuble. En parallèle, le camp de Treblinka est opérationnel en 1942 et les nazis commencent à y déporter les juifs des ghettos, notamment ceux de Varsovie.
Lorsque sa mère décède, Irena ne pourra même pas assister à l'enterrement : sa tête ayant été mise à prix par les nazis, elle ne peut se montrer publiquement. Elle se cache successivement chez son oncle et dans le zoo de Varsovie, le temps de retrouver l'usage de ses jambes. L'Insurrection de Varsovie éclate le 1er août 1944 et dure jusqu'au 2 octobre ; l'Armia Krajowa (l'armée des résistants) compte sur l'intervention de l'Armée Rouge, mais celle-ci se trouvant bloquée un peu plus en amont de la Vistule, refuse toute coopération avec les Polonais. La capitale est encore aux mains des Allemands, l'affrontement se termine dans un bain de sang. Lorsque la guerre prend fin en mai 1945, la ville a été détruite à 95% et moins de onze mille juifs ont survécu ; certains enfants sauvé par la résistante mourront eux aussi sous les balles nazies. L'Armée Rouge n'arrivera à Varsovie que le 17 janvier 1945.
Après la fin du conflit, Irena Sendler reprend son poste d'assistante sociale et cherche en vain la liste des enfants secourus ; elle doit donc la retaper de mémoire avec son équipe. Elle vient en aide aux orphelins ; Irena épouse Adam Cielniker en secondes noces et adopte deux petites filles. En 1948 et 1949, elle est jugée et emprisonné par le gouvernement communiste de l'époque pour ses liens avec l'Armia Krajowa et perd le bébé qu'elle attendait. Elle est finalement libérée et finit par adhérer au régime.
En 1965, Irena est reconnue Juste parmi les nations, ainsi que tous ceux qui ont collaboré avec elle à la sauvegarde des enfants juifs de Varsovie, mais ne pourra se rendre en Israël qu'en 1983.
En 1999, quatre étudiantes Américaines effectuant des travaux sur les héros de la Shoah viennent la rencontrer en Pologne ; l'héroïsme d'Irena inspirera aux étudiantes une pièce de théâtre qu'elles intituleront Life in a jar, qui sera jouée près de 200 fois aux États-Unis. Le Sénat polonais soumet deux fois son nom au prix Nobel de la paix, mais elle ne recevrai jamais le titre.
Jean-David MORVAN, Séverine TRÉFOUËL et David EVRARD, Irena, L'Ange du ghetto. Édition complète. Broché, 344 pages. Édition Glénat BD, Paris, octobre 2021. ISBN 978-2344050606.
Il existe un livre sur Irena Sendler dans la collection Femmes d'exception, éditée par le journal Le Monde. Une partie de la collection est consultable ichttps://www.lemonde.fr/culture/article/2019/12/24/la-collection-femmes-d-exception-des-parcours-hors-du-commun_6023943_3246.htmli.
Andrzej WAJDA, Korczak. Film de 1990, 1h53.
Pour voir ce qu'il reste aujourd'hui du camp de Treblinka, cliquez ici.
Documentaire sur l'Insurrection de Varsovie ici
Projet Life in a jar
Extrait de Warszawa 44